\ LA RECONNAISSANCE DU STATUT DES ENFANTS NÉS DU VIOL
La violence et l’exploitation sexuelle est endémique dans des régions touchées par des conflits armés, et les enfants en sont souvent les victimes. On estime que des dizaines de milliers d’enfants sont nés des violences sexuelles ou de l’exploitation sexuelle au cours des dernières décennies. Nés de la guerre, ces enfants sont profondément marqués par les bouleversements sociaux qui ont conduit à leur conception, ainsi que par le traitement dont ils sont victimes par la société du fait de leurs origines biologiques.
Selon de nombreux témoignages et recherches scientifiques, la naissance d’un enfant né du viol de guerre comporte des risques liés à la stigmatisation, à la discrimination, à l’abandon voire même à l’infanticide quand ils sont encore bébés. En raison de leurs difficultés économiques extrêmes et l’absence de réseaux de soutien, ils peuvent être exposés au risque d’insécurité alimentaire, d’accès réduit ou inexistant à l’éducation, de sans-abrisme, de recrutement dans des groupes armés ou de trafic d’êtres humains, d’un risque accru de radicalisation et d’une mauvaise santé.
Le principal risque de stigmatisation, de discrimination et de rejet des enfants nés de violences sexuelles se situe dans leur propre famille et leur propre communauté, souvent en raison du lien de l’enfant avec un père “ennemi” ou “étranger”. Dès la naissance, l’identité de l’enfant et son sentiment d’appartenance sont contestés, ce qui crée une menace pour sa sécurité physique et son bien-être psychologique. Les mères elles-même n’éprouvent pas de joie à mettre au monde un enfant né d’un viol. Elles sont inévitablement confrontées à une angoisse lorsqu’elles s’occupent de ces enfants ce qui peut entraîner des abus physiques ou émotionnels et une négligence chronique vis-à-vis de l’enfant.
En grandissant, de nombreuses barrières se dressent sur le chemin de ces enfants. Certains se voient refuser la citoyenneté par les pays dans lesquels ils sont nés, soit comme une forme délibérée de discrimination, soit en raison de facteurs indirects liés aux lois sur la citoyenneté fondée sur le droit du sang. L’absence de citoyenneté officielle peut avoir des conséquences économiques si les enfants se voient refuser l’accès aux soins, ou à l’éducation. L’apatridie a également un impact sur la liberté de mouvement, le droit à l’asile et à des avantages sociaux. En Croatie, des enfants nés du viol de guerre de femmes réfugiées de Bosnie se voyaient refuser le droit d’aller à l’école. Dans certains pays, comme au Vietnam par exemple, où ce sont les pères qui déclarent les naissances et qui revendiquent la paternité légale, un très grand nombre d’enfants nés du viol n’ont pas d’état civil car jamais enregistrés.
Pour résoudre le problème social complexe de la protection des enfants nés du viol, il faut accorder une attention particulière à la fois aux droits des enfants, à la sous-catégorie négligée des enfants nés du viol et aux Survivantes de violences sexuelles. L’autonomisation des mères, pour lutter contre leur vulnérabilité, apportera aux enfants une protection naturelle. L’émancipation économique, les soins de santé, la guérison des traumatismes leur permettront de créer un environnement propice à donner de l’amour à leur enfant.